RECYCLAGE TOUR OBELISQUE / EPINAY-SUR-SEINE

Un concours perdu c’est toujours un peu déprimant. Mais là en plus, c’est un concours doublement perdu, car aucun lauréat n’a été désigné officiellement. Même triplement perdu, car le grand perdant, c’est encore et surtout le patrimoine du 20e siècle et celles et ceux qui l’habitent. Ici on parle d’une tour particulière : la tour obélisque à Épinay-Sur-Seine.

Une histoire bien triste puisqu’elle renvoie à un évènement tragique : l’expulsion manu militari des copropriétaires de la tour en novembre 2021, scène digne du film de Ladj ly (bâtiment 5). Des logements rachetés une misère : 1200 euros/m2, un relogement jugé indigne par les habitants (trop loin, trop petit, insalubre …). La cause de l’évacuation : des balcons estimés dangereux qui seraient soutenus par des poteaux corrodés. Ayant visité la tour, on peut témoigner avoir vu dans les appartements, une ligne matérialisée par un scotch jaune dans le salon à un mètre de la façade, au-delà de laquelle les habitants ne pouvaient pas aller. Car si le balcon s’effondrait, la baie vitrée pouvait éclater et les éclats de verre, blesser les occupants. On imaginait facilement une famille avec des enfants en bas âge, vivre dans ces conditions pendant plusieurs mois, interdisant aux enfants de franchir la ligne jaune pour aller sur le balcon. Situation d’autant plus ubuesque qu’une contre-expertise dont les habitants ont eu connaissance a prouvé finalement que les balcons n’étaient pas soutenus par les poteaux qui étaient en fait des raidisseurs … Le sentiment d’une cabale était donc à son comble quand le juge a confirmé l’expulsion et que la police a débarqué pour mettre tout le monde dehors.

À l’absurdité de tout cela, aurait pu s’ajouter en plus, la démolition de la tour, c’était ce que tout le monde craignait à commencer par le maire d’Épinay-sur-Seine, donc quand l’annonce qu’une AMI allait être lancée pour sauver et recycler la tour, c’était le soulagement et une modeste consolation : on allait peut-être enfin réussir à stopper l’absurdité de cette histoire. Nous avons donc naturellement eu envie de participer à cette histoire. Avec Nicolas Michelin (Studio MAE mandataire) ayant droit de l’architecte de la tour, Daniel Michelin, ADIM et GTM, nous avons démarré notre réflexion autour du thème proposé par l’AMI : le recyclage de la tour.

L’ensemble Epinay Orgemont et Saint Gratien est la grande œuvre de l’architecte Daniel Michelin. Comme un symbole de la reconstruction, la Tour Obélisque est un signal fort sur la Seine au nord de Paris. Elle a été conçue en 1960 et construite en 1971, elle a été pratiquement la dernière pièce urbaine de la cité d’Orgemont. Au départ de la conception, il devait y avoir deux tours, un obélisque à 111 m et l’autre sur un angle à 85 m. La deuxième n’a jamais été poussée en étude.

La place Obërursel au pied de la Tour Obélisque n’a jamais été achevée. Daniel Michelin a subi le décalage dans le temps (10 ans) par rapport à l’ensemble urbain d’Orgemont. Il s’est résigné à dessiner un simple parking alors que les intentions de départ étaient plus ambitieuses : un jeu subtil d’auvents et de végétation devait terminer la composition dans le prolongement de la galerie commerçante.

Notre projet proposait d’enfin parachever cette composition urbaine de galerie et tour en créant une place urbaine qui reprend les axes du projet de l’époque en construisant un bâtiment au pied de la Tour qui la relie à la galerie commerçante.

Prolonger la centralité du mail – adjoindre un socle extension

La tour Obélisque devait redevenir le cœur battant de la centralité d’Orgemont. Pour tendre vers cet objectif, le projet proposait d’accompagner la réhabilitation de la tour, d’une extension neuve, posée sur son parking actuel et qui s’appuyait rigoureusement sur sa structure. Cette extension sur 3 niveaux constituerait l’avant-dernière séquence du mail commerçant, avant la tour elle-même. Le binôme Tour + extension permettrait une parfaite articulation entre l’axialité du mail commerçant, la respiration de la place Obërursel et le Maxxiparc.

Un socle-extension complémentaire de la tour

Cette extension s’inscrirait dans les lignes de forces du quartier, et complèterait formellement la tour, en proposant un rapport plein vide en négatif de la tour obélisque, et en respectant ses proportions. Le plein de la tour devenant le creux du patio de l’extension.

Scénographie de la tour : repenser la place Obërursel

La place Obërursel serait quant à elle, réaménagée. Afin d’agréger tous les éléments la jouxtant : tours, extension, mail commercial, terminus du tram, Polarité retrouvée du quartier.

Notre équipe a été écarté parce que l’investisseur faisait finalement défaut. Nous espérons que l’infructuosité de cet AMI ne va pas rouvrir la sombre question de la démolition de la tour.

Car nous avons bien l’intention de revenir.

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